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«Master Blaster» de Stevie Wonder

En 1979, Le Zimbabwe était encore une colonie britannique. Même si ses voisins frontaliers, la Zambie et le Malawi, avaient déclaré leurs indépendances depuis 1964, le Zimbabwe n’avait pas pu se défaire du contrôle des Britannique imposé depuis 1840.

En 1978, le chef de gouvernement en place, Ian Smith, entreprit des pourparlers avec le mouvement des nationalistes noirs modérés. Ces pourparlers ont abouti à la constitution d’une nouvelle assemblée et d’un nouveau gouvernement qui seraient tous les deux constitués équitablement de noirs et de blancs. Mais cet acquis ne calma pas les ardeurs des révolutionnaires qui finirent par faire signer au gouvernement britannique les accords de Lancaster le 21 décembre 1979 première étape dans la proclamation du Zimbabwe comme pays libre et indépendant déclarée le 17 avril de l’année suivante.

L’automne de l’année 1980, Stevie Wonder chanta en live avec Bob Marley lors de la tournée de ce dernier aux Etats Unis. Pour l’occasion, Stevie Wonder écrivit « Master Blaster » (Meilleure musique) un air de Reggae pour rendre hommage à l’icône jamaïcaine et pour célébrer par la même occasion l’indépendance du Zimbabwe.

«Master Blaster» de Stevie Wonder

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«Al Watan Al Arabi» opérette de Mohamed Abd El Waheb

En 1956 Jamel Abd Ennaser avait nationalisé le Canal Suez, tournant le dos au financement occidental. Cette décision fit croître sa popularité dans beaucoup de pays arabes . Par la suite, quand Nasser a parlé de l’union arabe, un même vent de sympathie enthousiasma les populations arabes qui venaient, pour la plus part, juste de se défaire du colonialisme.

La propagande fut grande et le rêve berça les pays arabes de voir disparaître leurs frontières pour devenir unis dans un même état. Nasser avec son charisme et ses décisions audacieuses était le leader de cet espoir. La première concrétisation était venue par l’union entre l’Egypte et la Syrie, mais cette petite union ne dura que trois ans.

La défaite de l’Egypte lors de la guerre des six jours en 1967 eut l’effet d’un choc sur le monde arabe et ébranla leur confiance en Abd Ennaser et en son rêve d’union. Trois ans plus tard, Nasser décéda et le projet de l’union du monde arabe fut complètement abandonné. Certains pourtant n’oublient pas et gardent des décennies plus tard cette utopie.

De la vie de Nasser, une grande propagande eut lieu, notamment artistique et menée entre autres par le grand Mohamed Abd El Waheb qui composa l’opérette  » Al Waten Al Arabi » traduisible par « Le monde arabe ».

«Al Watan Al Arabi» opérette de Mohamed Abd El Waheb

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« Khawuleza » de Miriam Makeba

Le 21 mars 1960, douze ans après l’instauration du système de l’apartheid en Afrique du Sud, des manifestations avaient été organisées dans les Township (les quartiers pauvres des noirs) pour dénoncer l’obligation pour les noirs de se munir d’un « Pass » (passeport interne) et la rémunération dérisoire de la journée de travail.

A Sharpeville, une township réputée calme et sans problèmes, les habitants étaient partis manifester devant le poste de police. Les quelques agents qui s’y trouvaient, furent impressionnés par la foule qui s’amassait et appelèrent du renfort. On leur envoya depuis Johannesburg des chars et des avions. Les manifestants, en majeur partie des femmes, des enfants et des vieillards, ne se défirent pas de leur bonne humeur et ne se montrèrent, à aucun moment, violents. Pourtant, un cafouillage du commandant donna le départ aux tirs de feu des policiers, qui firent tomber 69 morts et quelques 200 blessés.

Pendant des années et des années après, les enfants des Townships, accouraient dès qu’ils voyaient s’arrêter une voiture de police dans leurs quartiers. Apeurés, ils criaient à leurs mères de crainte qu’elles ne soient arrêtées « Khawuleza, Khawuleza Mama » ce qui signifie « Dépêche-toi Mama ».

Ces mots ont été chantés par Miriam Makeba en 1966.

« Khawuleza » de Miriam Makeba

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« Sunny » de Bobby Hebb

John Fitzgerald Kennedy, 35ème président des Etats unis, fut assassiné le 22 novembre 1963 dans le cortège présidentiel qui l’emmenait à travers Dealey Plaza à Dallas en Texas. Dans la voiture décapotable, sa femme Jacqueline était à ses côtés et a été la première à constater sa mort. Lee Haverey est suspecté et arrêté par la police quelques heures plus tard mais fut à son tour tué lors de son transfert de la prison de Dallas.

JFK, élu président à l âge de 43 ans, était charismatique et ambitieux. Il voulait changer la politique étrangère des Etats-Unis et relancer l’économie. Sa politique était pourtant perçue comme laxiste et fortement contestée. D’où la théorie très sérieuse du complot organisé par ses ennemies dans la droite réactionnaire.

JFK menait déjà sa campagne électorale pour être réélu et avait beaucoup de chances d’y réussir. Les Americains aimaient ce président qui promettait un meilleur lendemain en réactivant l’économie et en donnant les pleins droits aux noirs en égalité avec les blancs.

En apprenant la nouvelle de son assassinat, Bobby Hebb en fut fortement attristé et voulut lui rendre hommage par une chanson optimiste et ce fut « Sunny ».

« Sunny » de Bobby Hebb

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« Mad about you » de Sting

Selon le récit biblique, un soir, alors qu’il était sur la terrasse de son château, le roi David vit  Bethsabée se baigner  et en tomba fou amoureux. Mais en ce temps, elle était encore la femme d’Urie, l’un de ses soldats partis faire la guerre en son nom.

Il eut une relation adultère avec elle et elle ne tarda pas à tomber enceinte à cause de cette aventure. Il ordonna alors à ses soldats de mener un combat risqué dans le seul but de faire tuer Urie. Urie mourut et le roi David épousa Bethsabée mais le prophète Nathan le prévint que Dieu le punira pour cet amour injuste. Le fils de David et Bethsabée qui naquit peu après leur union tomba malade. Le roi David partit s’isoler et implorer le pardon de Dieu jusqu’à ce que son fils meure.

Cette histoire d’amour inspira à Sting sa chanson.

« Mad about you » de Sting

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«Al Quds» de Feyrouz

Al Quds, Jérusalem, la plus ancienne des villes de Palestine et une des plus anciennes au moyen orient, est emblématique pour les trois religions monothéistes : Judaïsme, christianisme et Islam. La ville dont les lieux sacrés comptent le mur des lamentations, le Saint Sépulcre et la mosquée Al Aqsa, est occupée aujourd’hui par Israël.

Cette ville où a vécu et est mort le Christ et qu’a visitée le prophète Mohamed à dos du Bouraq pendant la nuit sacrée est aussi revendiquée par les juifs comme la capitale de la terre promise par Dieu au peuple élu.

Jérusalem est depuis 1988 palestinienne mais La Palestine n’a jamais réussi à y siéger officiellement. Les palestiniens, avec les deux communautés musulmane et chrétienne, ne cessent de revendiquer leur droit à nationaliser Jérusalem, même par la force et c’est ce que chante Feyrouz dans cette chanson.

Al Quds de Feyrouz

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« Whatever Lola Wants » de Sarah Vaughan

Lola Montez est une courtisane irlandaise qui est née en 1821 et morte en 1861 à New York. Née Marie Dolores Eliza Rosanna Gilbert, elle vécut une enfance tumultueuse avec la mort de son père du Cholera et l’éloignement de sa mère qui se remariât. Elle se mariât jeune, à seize ans, avec un lieutenant de l’armée de la Grande Bretagne, mais cinq ans plus tard, elle le quittât pour devenir danseuse exotique. Elle se choisit Lola Montez comme nom de scène.

Lola Montez a eu plusieurs amants, notamment parmi les intellectuels dont elle était proche tels que Alexandre Dumas fils mais elle est surtout connue pour sa liaison avec Louis Ier de Bavière. Lola profita de l’affection que lui portait le roi, mais dut faire face à l’aversion des Bavarois à son égard quand ils surent qu’elle voulait devenir Bavaroise et noble. Leur haine lui fit fuir La Bavière vers New-York. Aux Etats-Unis, elle débuta une carrière d’artiste avec une deuxième expérience de mariage qui échoua. Elle continua sa carrière en Australie, mais retourna pour finir ses jours à New York dans la maladie et le besoin.

Lola était consciente de son influence et de son effet. Elle disait souvent : « What ever Lola wants, Lola gets » ce qui signifie « ce que Lola veut, Lola l’obtient ». Cette expression inspira la chanson « Whatever Lola Wants » écrite par Richard Adler and Jerry Ross en 1955 et chantée par Gwen Verdon dans la comédie musicale « damn yankees ».

Ici je vous propose la version de Sarah Vaughan.

« Whatever Lola Wants » de Sarah Vaughan

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« Hymn to Gentrification (شارع يافا)» de Faraj Suleiman

Comme l’annonce son titre, cette chanson parle de gentrification : concept introduit à la sociologie dans les années 60 et qui parle des transformations occasionnées dans un quartier précédemment populaire pour le rendre plus bourgeois et le destiner à loger une couche sociale plus favorisée.

La chanson commence en fait avec un homme qui s’adresse à sa femme en se plaignant de n’avoir pas pu dénicher un appartement plus spacieux à cause d’une vague de modernisation qui déferle sur le quartier et rend ses tarifs hors de prix.

Le chanteur décrit ces changements en dénonçant tous ces nouveaux concepts qui ne font pas que moderniser mais défigurent l’histoire et effacent l’identité.

Mais cette chanson est loin d’être linéaire car elle comporte un message double comme le traduit la dualité de son nom en arabe et en anglais ( Avenue Jaffa en arabe) puisque elle ne se passe pas n’importe-où mais bien à l’Avenue Jaffa, l’une des principales avenues de Jérusalem.

Le chanteur énumère les attaques de ce grand ogre qui mange la ville et la change, cet ogre qui vient de Tel Aviv ou plutôt de Poland comme il le précise, laissant à l’auditeur la liberté de l’identifier comme il l’entend.

ET là on comprend que toute cette altération décrite dans la chanson est perpétrée par le colonisateur qui ne vise pas seulement à changer le standing du quartier mais à faire disparaître toute trace arabe.

Les historiens de l’État juif d’Israël avancent différentes idéologies religieuses pour expliquer leur statut de peuple élu par Dieu et défendre leur droit à la Terre promise quitte à chasser les Palestiniens qui y habitent depuis des millénaires. Et les tentatives israéliennes pour évincer ces derniers ne sont pas toujours franches et évidentes mais viennent de façon souvent sinueuse et insoupçonnée.

Cette chanson ne dénonce pas seulement la colonisation en tant que vol de terres mais également le vol d’identité et le vol d’Histoire, car pour mieux faire disparaître quelqu’un il suffit de faire disparaître son passé ou mieux se l’approprier avant de le chasser.

Hymn to Gentrification (شارع يافا) de Faraj Suleiman

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«Layla» de Eric Clapton

Kais Ibn Al Moulawah était un poète de la Péninsule Arabe, qui a vécu entre l’an 645 et 688.

Sa vie fut marquée par son amour pour Layla, qui fut au tout début sa promise. Mais le père de Layla, scandalisé quand il sut que Kais décrivait Layla dans ses poèmes, annula le mariage.

Kais en fut meurtri. Il voua sa vie à sa bien-aimée et décida de lui rester fidèle. Il partit vivre isolé dans les plaines et continua à louer l’amour de Layla dans ses poèmes.

Quand Eric Clapton apprit cette histoire de Abdelaqader Al Sufi alias Allan Dallas, elle lui rappela son amour désespéré pour Pattie Boyd (la femme de son ami Georges Harrison) et lui inspira cette chanson : Layla

Layla de Eric Clapton

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Le projet

par Ines Ayed

La fille pouffa encore ses cheveux qui retombèrent désespérément. Est-il si visible qu’elle avait la veste et le pantalon dépariés. Elle avait d’abord opté pour le tailleur noir et la chemise grise. Mais une tache de dentifrice était venu s’étaler sur le col de la veste, en l’essuyant avec un chiffon imbibée d’eau, elle ne réussit qu’à faire élargir l’auréole blanche. Quelle idée de se brosser les dents après s’être habillée ! Ses chaussures toutes noires étaient impeccablement cirées. Elle se trouvait présentable sans plus. Elle cacherait les derniers défauts de sa tenue derrière un large sourire. Elle ramassa son sac et son porte-document, et sortit. Elle aurait aimé marcher, ça aurait clarifié ses idées mais elle avait peur d’arriver défraîchie transpirante et avec des chaussures blanches de poussière, elle héla un taxi et y grimpa en annonçant sa destination. Dans la voiture elle essaya de mettre de l’ordre dans ses idées et de se rappeler les arguments les plus pertinents. Puis elle arriva devant l’entrée, paya et descendit. Elle entra au siège luxueux de la banque et s’avança vers l’agent chargé d’accueillir les visiteurs égarés.

Elle demanda à voir le Directeur des crédits avec qui elle avait rendez vous.

Elle montât les marches, suivit la mezzanine, longea le couloir frappa à la porte patienta devant, jusqu’à entendre « Entrez » et elle entra.

« Bonjour…oui je m excuse, je suis un peu en avance, alors voila je vous amène le business plan comme prévu et voila ce sont les photos du domaine.

D’après l’expression de votre visage je comprends votre déception. Vous vous demandez ce qui m’a poussé à investir dans cette ruine mais si vous voyez ce que ça peut devenir…cette maison coloniale est placée sur une colline, pas loin de la route régionale et c’est juste à trois quarts d’heures de la capitale mais dès qu’on y est, la rupture est totale. Le chemin qui y mène est étroit et peu praticable mais il est bordé de grands peupliers qui se balancent avec le vent et font jouer la lumières sur les visages des arrivants.

La maison est bien délaissée depuis longtemps mais son style colonial séduit même par ces persiennes effilées plus longues que larges mais dont le bois tombe en ruine.

Mais venez, venez, entrons !! La porte est très jolie aussi mais elle tient à peine debout, disons qu’on peut au moins en récupérer la poignée, elle est si finement ciselée.

Nous nous trouvons directement dans la salle principale avec peu de piliers, le plafond haut, inondé de lumière, et c’est pourquoi je refuse de mettre des rideaux aux fenêtres. Je reste hésitante quant au parterre, du parquet en bois ou du marbre ;

La grange attenante n’est pas moins intéressante. Elle pourra faire office de salle de restaurant. Les murs paraissent en piteux état mais ils sont solides, faits en pierre dure. L’aspect en est tellement beau et pittoresque avec cette rugosité qui rappelle la force que ce serait criminel de les enduire

La charpente par contre doit être toute refaite et j’opterais pour des tuiles en ardoises pour la recouvrir, c’est plus authentique.

La surface générale pourra accueillir jusqu’à 30 tables, des rondes bien-sur pas des carrées, les tables carrées sont moches. Elles seront assez espacées pour donner de l’intimité aux clients, mais pas trop pour ne pas avoir cette sensation de vide.

La grange communique avec la cuisine, ou ce qui devait en être une, je pense à un concept traditionnel avec des carrés de faïence blancs à décoration bleue mais équipée avec modernité. Vous connaissez les cuisines du sud de l’Italie, ces cuisines très vastes avec les bouquets d’herbes aromatiques, une batterie de casseroles en cuivre accrochées. Il y aura même un collier de figues séchées pendant au loquet de la fenêtre.

Les toilettes sont modernes mais doivent rester très sobres et surtout très confortables. On retourne vers la cuisine et on sort par la porte de derrière

Dehors on se retrouve dans le potager bio où les clients pourront cueillir les tomates qui feront leurs sauces ou ramasser les pommes de terre qui finiront dans leur purée.

On longe l’allée et au bout on retrouve les box des ânons. Ah oui ! Je ne vous ai pas dit, il y aura un élevage d’ânons. L’âne est mon animal préféré, il est tellement doux.

Les chambres sont à l’étage, elles ne sont pas nombreuses, juste quatre, mais elles garderont le même esprit minimaliste et dénué de toute complication, avec très peu de meubles, la décoration aura des tons entre le beige et le blanc cassé. Chaque chambre aura son propre balcon avec des bacs de fleurs, mais surement pas des géraniums (pas assez délicats à mon goût)… »

Elle se tut, prit le verre d’eau devant elle et en but quelques gorgées puis regarda de nouveau le banquier.

«  Vous savez cher Monsieur, je suis curieuse de savoir ce que vous en pensez »

Le banquier hocha de la tête :

«  Vous savez mademoiselle, il est très ambitieux votre projet vu l’état de votre heu…… a-cqui-si-tion, mais si jamais vous pouvez en tirer quelque chose il y a quelques détails à revoir : avant tout, les peupliers, il faut les arracher pour élargir le chemin d’arrivée, sinon aucune voiture ne pourra s’y engager. Ensuite changer la façade, peut être mettre du marbre rose, c’est tellement beau et ça donne un aspect moins triste. Le potager et l’élevage d’ânons il faut oublier, je n’y adhère pas du tout, Quelle idée d’élever des ânes, Mademoiselle !! A la place je pense à une piscine couverte chauffée et un mini green. C’est mieux non ? Avec ces quelques modifications je crois que je peux recommander très sérieusement votre dossier. »