Par Ines Ayed
La porte était facile à ouvrir. Elle n’eut qu’à tourner la poignée et à pousser.
Le salon derrière était bien vaste mais peu meublé. Comme devinant sa présence, un jeune homme sortit d’une autre porte au fond et vint vers elle. Il la salua et la fit entrer à son bureau.
Le bureau était plus convivial que le salon et décoré avec goût. Le fauteuil dans lequel elle s’assit était bien confortable mais la fit un peu plonger. Elle se présenta puis dit :
- Alors comme ça vous êtes un coach d’amour, c’est plutôt atypique. Moi j’ai beaucoup hésité avant de venir mais une grande curiosité m’a finalement poussée à venir découvrir.
- Je comprends alors que vous n’êtes pas venue pour mes conseils.
- Si, si. Je suis, tout de même, nulle en amour et j’ai besoin de vos lumières.
- Expliquez-moi comment on peut être nul en amour.
- Dites-moi d’abord. Comment devient-on un coach d’amour ? Quelles sont vos qualifications ?
- Mes seules qualifications sont la vie, mon expérience et celle des personnes de mon entourage. Mes moyens : une grande écoute et une forte perception des autres.
- -D’accord vous aurez comme challenge de m’aider alors.
- Avec grand plaisir, c’est mon rôle alors parlez moi de vous.
- je ne saurais pas me décrire, ce n’est pas très honnête de le faire, mais je sais que certains me voient comme une femme froide, coincée, distante et intellectuelle. D’autres me voient comme une femme trop directe, peu romantique, intelligente et pas assez fragile. Je peux continuer longtemps avec ces descriptions mais je peux vous dire que le point commun est qu’aucun de ces portraits qu’ils peignent de moi n’inspire l’amour.
- -Vous êtes bien pessimiste, il y a toujours quelqu’un à qui on inspire l’amour. Parlez-moi de vos qualités.
- -(je ne sais pas si c’est une bonne idée mais bon) A ce que je sais, je suis drôle : on me le dit tout le temps, je suis même sarcastique mais les gens ne captent pas toujours mes allusions. Je suis généreuse et altruiste, on me le dit aussi, j’aime donner et aider les autres. J’ai d’autres qualités mais personne ne les remarque.
- Dites-moi.
- -Je suis matinale, joyeuse, j’aime chanter et danser, j’aime lire, j’ai une capacité étonnante à écouter les autres. Je suis créative, très créative : une vraie boite à idées, j’ai une imagination débordante. Mais personne jusque là n’est venu assez près pour voir tout ça.
- mais de votre côté, personne ne vous inspire l’amour ?
- Si, mais sans aucune réciprocité….vous savez -J’ai regardé dernièrement un film qui s’appelait « une semaine ordinaire » et dont le personnage principal (un homme) me rappelait exactement ce que je vivais. Il disait que les femmes, qui l’attiraient physiquement, n’avaient aucun intérêt pour lui sur le plan humain. Celles par contre avec lesquelles il pouvait parler et échanger des idées, ne l’attiraient pas physiquement et si par hasard les deux qualités se réunissaient chez la même femme, elle avait toujours un copain. Moi c’est pareil avec les hommes.
Imaginez qu’à mon âge je n’ai jamais eu de vraie histoire d’amour.
- Et quel type d’hommes vous pensez attirer, sans réciprocité, comme vous dites ?
- Il y a essentiellement quatre catégories : Tout d’abord les instinctifs, ils sont généralement charmants physiquement. Ils sont imposants, arrogants et poussent même jusqu’à se montrer intimidants. Ils me racontent leurs exploits de super héros et sont déçus de ne pas voir mes yeux briller d’admiration. Ensuite, il y a les « Calimeros » qui sont timides, pas très surs d’eux mais qui sont d’une gentillesse et d’une douceur infinies. Quelques rares fois, ils peuvent se montrer entreprenants, quand ils arrivent à rassembler leur courage, mais ne tardent pas à se vexer et à redevenir introvertis si je ne suis pas absolument et éperdument amoureuse, tout de suite. Un « garçon » aussi fragile peut convenir à une femme à l’instinct maternel débordant, pas à moi. En troisième lieu, il y a les pseudos-intellos egocentriques qui n’admirent en moi que leur alter ego. Une vraie plaie ceux-là avec leur pédantisme et leur manière à vous dire qu’ils savent forcement tout mieux que vous. Finalement, il y a les mariés, ceux là c’est les pires. Parce que généralement ce sont de vieilles connaissances qui avaient toujours été très courtois et distants mais une fois qu’ils se sont liés à une autre. Ils reviennent en devenant dragueurs et salaces, Dès que je leur rappelle leur nouveau statut social, ils disent que ce n’est pas grave, qu’ils s’amusent gentiment et pourtant ils voient bien que je ne ris pas aux éclats. Coach, aurais-je le profil idéal d’une maitresse sans le savoir ?
- Non rassurez vous. Même si c’est le cas, ça ne saute pas aux yeux. Mais je veux savoir, vous-même, vous ne tentez jamais d’approches, vous n’essayez pas de séduire, charmer ou du moins attirer l’attention de ces messieurs ?
- Si, bien sur. J’ai une technique infaillible, c’est celle de la sotte qui ne comprend rien, qui est fragile et que tout fascine. Les hommes se sentent, du coup, protecteurs, responsables de moi. Ils essayent de jouer leur rôle de male dominant. Le problème c’est qu’avec le temps, le jeu m’ennuie alors mon vrai visage apparaît et la supercherie cesse. Sinon, quand j’essaye d’être moi-même généralement ça n’accroche personne : mes traits d’humours et mon esprit critique me rattrapent. Il y a certains hommes à qui ma vraie personnalité plait et nous devenons…… les-meilleurs-amis-du-monde : déprimant, n’est ce pas ?
- Bon mademoiselle, je cerne bien votre problème. Vous êtes de ces femmes coffres-forts.
- Des femmes quoi ?
- Bon, c’est une théorie qui suppose que les femmes sont comme des portes. Il y a des portes lourdes de bois dur dont les serrures sont très solides, il y a des portes blindées avec des serrures bien sécurisées en acier, il y a aussi les portes des vieilles armoires que n’importe quel clé ouvre ou même tout autre ustensile qui ait la même forme. Il y a toute sorte de porte. Vous vous êtes une porte de coffre-fort dont de rares hommes détiennent le code d’accès.
- Waw je serais une porte de coffre-fort, c’est cool….mais ça ne résout pas mon problème.
- Mademoiselle, sachez que vous n’avez aucun problème. Mes conseils vous auriez pu les deviner seule : Laissez-vous vivre, sortez, rencontrez des gens. Vous êtes jolie, mettez vous plus en valeur (Les hommes sont d’abord séduits par ce qu’ils voient) et vous verrez que vous ferez de belles rencontres. …mais surtout surtout cessez de chercher.