par Ines Ayed
La fille pouffa encore ses cheveux qui retombèrent désespérément. Est-il si visible qu’elle avait la veste et le pantalon dépariés. Elle avait d’abord opté pour le tailleur noir et la chemise grise. Mais une tache de dentifrice était venu s’étaler sur le col de la veste, en l’essuyant avec un chiffon imbibée d’eau, elle ne réussit qu’à faire élargir l’auréole blanche. Quelle idée de se brosser les dents après s’être habillée ! Ses chaussures toutes noires étaient impeccablement cirées. Elle se trouvait présentable sans plus. Elle cacherait les derniers défauts de sa tenue derrière un large sourire. Elle ramassa son sac et son porte-document, et sortit. Elle aurait aimé marcher, ça aurait clarifié ses idées mais elle avait peur d’arriver défraîchie transpirante et avec des chaussures blanches de poussière, elle héla un taxi et y grimpa en annonçant sa destination. Dans la voiture elle essaya de mettre de l’ordre dans ses idées et de se rappeler les arguments les plus pertinents. Puis elle arriva devant l’entrée, paya et descendit. Elle entra au siège luxueux de la banque et s’avança vers l’agent chargé d’accueillir les visiteurs égarés.
Elle demanda à voir le Directeur des crédits avec qui elle avait rendez vous.
Elle montât les marches, suivit la mezzanine, longea le couloir frappa à la porte patienta devant, jusqu’à entendre « Entrez » et elle entra.
« Bonjour…oui je m excuse, je suis un peu en avance, alors voila je vous amène le business plan comme prévu et voila ce sont les photos du domaine.
D’après l’expression de votre visage je comprends votre déception. Vous vous demandez ce qui m’a poussé à investir dans cette ruine mais si vous voyez ce que ça peut devenir…cette maison coloniale est placée sur une colline, pas loin de la route régionale et c’est juste à trois quarts d’heures de la capitale mais dès qu’on y est, la rupture est totale. Le chemin qui y mène est étroit et peu praticable mais il est bordé de grands peupliers qui se balancent avec le vent et font jouer la lumières sur les visages des arrivants.
La maison est bien délaissée depuis longtemps mais son style colonial séduit même par ces persiennes effilées plus longues que larges mais dont le bois tombe en ruine.
Mais venez, venez, entrons !! La porte est très jolie aussi mais elle tient à peine debout, disons qu’on peut au moins en récupérer la poignée, elle est si finement ciselée.
Nous nous trouvons directement dans la salle principale avec peu de piliers, le plafond haut, inondé de lumière, et c’est pourquoi je refuse de mettre des rideaux aux fenêtres. Je reste hésitante quant au parterre, du parquet en bois ou du marbre ;
La grange attenante n’est pas moins intéressante. Elle pourra faire office de salle de restaurant. Les murs paraissent en piteux état mais ils sont solides, faits en pierre dure. L’aspect en est tellement beau et pittoresque avec cette rugosité qui rappelle la force que ce serait criminel de les enduire
La charpente par contre doit être toute refaite et j’opterais pour des tuiles en ardoises pour la recouvrir, c’est plus authentique.
La surface générale pourra accueillir jusqu’à 30 tables, des rondes bien-sur pas des carrées, les tables carrées sont moches. Elles seront assez espacées pour donner de l’intimité aux clients, mais pas trop pour ne pas avoir cette sensation de vide.
La grange communique avec la cuisine, ou ce qui devait en être une, je pense à un concept traditionnel avec des carrés de faïence blancs à décoration bleue mais équipée avec modernité. Vous connaissez les cuisines du sud de l’Italie, ces cuisines très vastes avec les bouquets d’herbes aromatiques, une batterie de casseroles en cuivre accrochées. Il y aura même un collier de figues séchées pendant au loquet de la fenêtre.
Les toilettes sont modernes mais doivent rester très sobres et surtout très confortables. On retourne vers la cuisine et on sort par la porte de derrière
Dehors on se retrouve dans le potager bio où les clients pourront cueillir les tomates qui feront leurs sauces ou ramasser les pommes de terre qui finiront dans leur purée.
On longe l’allée et au bout on retrouve les box des ânons. Ah oui ! Je ne vous ai pas dit, il y aura un élevage d’ânons. L’âne est mon animal préféré, il est tellement doux.
Les chambres sont à l’étage, elles ne sont pas nombreuses, juste quatre, mais elles garderont le même esprit minimaliste et dénué de toute complication, avec très peu de meubles, la décoration aura des tons entre le beige et le blanc cassé. Chaque chambre aura son propre balcon avec des bacs de fleurs, mais surement pas des géraniums (pas assez délicats à mon goût)… »
Elle se tut, prit le verre d’eau devant elle et en but quelques gorgées puis regarda de nouveau le banquier.
« Vous savez cher Monsieur, je suis curieuse de savoir ce que vous en pensez »
Le banquier hocha de la tête :
« Vous savez mademoiselle, il est très ambitieux votre projet vu l’état de votre heu…… a-cqui-si-tion, mais si jamais vous pouvez en tirer quelque chose il y a quelques détails à revoir : avant tout, les peupliers, il faut les arracher pour élargir le chemin d’arrivée, sinon aucune voiture ne pourra s’y engager. Ensuite changer la façade, peut être mettre du marbre rose, c’est tellement beau et ça donne un aspect moins triste. Le potager et l’élevage d’ânons il faut oublier, je n’y adhère pas du tout, Quelle idée d’élever des ânes, Mademoiselle !! A la place je pense à une piscine couverte chauffée et un mini green. C’est mieux non ? Avec ces quelques modifications je crois que je peux recommander très sérieusement votre dossier. »