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Idéaux à relativiser

La démocratie est- elle toujours aussi évidente?

Par Ines Ayed

Il y a trois ans, un changement a eu lieu en Tunisie. Certains n’arrivent pas encore à considérer ce qui est arrivé comme étant une révolution. Une volonté populaire générale est venue pourtant par la suite revendiquer l’instauration d’une vraie démocratie. C’était évident pour tous que le peuple devait choisir. Personne ne posait la question de savoir s’il avait la maturité nécessaire pour cela.

Selon le rapport de Freedom house, organisation non gouvernementale (majoritairement financée par la banque fédérale des Etats-Unis), la Tunisie, annoncée comme la première hirondelle du printemps arabe, pouvait désormais revendiquer le statut de pays démocrate ou apprenti-démocrate et marcher sur le chemin de l’épanouissement social et politique. Mais arrivons-nous à être une société démocratique ?

  1. Au Commencement, Athènes créa la démocratie :

La démocratie était apparue à Athènes au Vème siècle avant J.C. et même si, dans l’histoire, des formes de gouvernances et de sociétés démocratiques étaient apparues auparavant, les démocraties contemporaines semblent s’être inspirées du modèle athénien. Les Athéniens étaient très fiers de leur système politique et surtout social qui mettait tous les citoyens sur le même pied d’égalité. Pourtant Platon, entre autres, trouvait ce système peu réaliste. Son principal argument se résumait dans la nécessité d’avoir un minimum de connaissances pour gouverner. Le peuple mû par ses seuls intérêts, n’était pas apte, selon lui, à faire un choix judicieux.

Mais, mise à part son évaluation philosophique, la démocratie athénienne avait aussi ses zones d’ombre comme système. L’Ostracisme, par exemple, était une pratique pendant laquelle les athéniens écrivaient sur un tesson de poterie le nom de la personne qu’ils voulaient exclure de la ville, celui dont le nom était réécrit le plus souvent devait alors quitter Athènes. Des fouilles archéologiques récentes ont montré qu’on soudoyait les citoyens analphabètes pour qu’ils déposent aux votes des tessons déjà écrits.

La démocratie athénienne fut pourtant transmise jusqu’aux temps modernes comme l’exemple à suivre.

  1. Démocratie : peut-on vivre tous égaux en droits ?

La démocratie n’est pas qu’un système de gouvernance. C’est aussi instaurer l’égalité absolue de droits entre les citoyens, mais qu’en est-il de notre société ?

L‘ idée émise par Karl Marx dans « la question juive » avançait que l’égalité des droits de l’homme que prône une société démocratique, conforte l’homme dans son égoïsme, le sépare de son prochain et résume ses droits en son droit de propriété privée. La démocratie et l’égalité des droits de chaque individu seraient alors fictives selon Marx, limitées par son niveau social qui déciderait de son accès à une bonne éducation, à la protection de sa sante, à avoir une vie confortable ou alors juste digne.

Les Tunisiens, appartenant désormais à un pays « démocratique », voulaient revendiquer leurs droits et une effervescence sociale a gagné alors tout le pays. Le Tunisien a voulu revendiquer, entre autres droits, son droit de manifester (pas toujours pacifiquement), de faire la grève mais aussi de détourner la loi : un amalgame affligeant entre désobéissance et droit démocratique dont a résulté un certain temps une anarchie insoutenable. Des pratiques aussi évidentes que payer ses impôts et ses factures le devenaient moins, l’économie défaillit, assaillie par le marché parallèle, des organismes vitaux s’immobilisèrent et un cafouillage social en résulta.

Certains sociologues, en analysant ce qui avait porté du tort au pays, répondaient que c’était l’absence d’une élite intellectuelle qui présente un modèle social constructif pour guider les foules mais aussi les notions d’éthique, de nationalisme, et surtout une application ferme de la loi.

  1. Quelle démocratie pour nous ?

Il faut rappeler que la déception d’un grand nombre des Tunisiens a été grande quand ils ont vu les députés de L’Assemblée Nationale Constituante choisis démocratiquement, il y a trois ans, pour représenter le peuple tunisien, écrire sa constitution et décider de son avenir. Certains pensent que tout cela est déjà dépassé pour la Tunisie et que maintenant l’espoir est renouvelé avec les élections législatives prochaines

Le futur leader de la Tunisie aura la tache difficile de rétablir la sécurité, sortir l’économie de la récession et développer les différents secteurs tels que l’éducation, la santé, l’infrastructure, etc. Mais rien de tout cela ne pourra être réalisé même avec la meilleure volonté, si les citoyens ne s’y mettent pas eux-mêmes car la démocratisation de la Tunisie ne peut se réaliser sans qu’il y ait une vraie « révolution sociale » : un changement fondamental des mentalités des citoyens qui permet de retrouver le sens du devoir avant la revendication des droits.

Il est temps (à mon humble avis) de faire ou de refaire la révolution pour qu’elle éradique les clichés de l’état nourricier et de la nation mère. Les ressources sont bien loin d’être inépuisables et ne dispensent aucun citoyen aussi modeste qu’il soit de participer et travailler en toute conscience.

Alors élevez, chers concitoyens, de nouveaux slogans, remplacez la liberté et la dignité par l’engagement et l’humilité puis marchez vers un lendemain ambitieux.

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